By Xavier Poujade

dimanche 12 décembre 2010

"Zarma le Karma du gars!"

PARTIE 1


Après ma première expérience réussie de woofing, j’ai connu une période de flottement liée au fait qu’il me fallait acquérir une nouvelle voiture, condition essentielle pour mes futurs déplacements y compris en cas d’embauche quelque part..

Grosso modo, entre le moment où j’ai commencé à me renseigner chez le garagiste du village, et celui où j’ai reçu l’attestation d’assurance de mon nouveau véhicule, le mois d’Octobre était passé…

Après coup, je me dis que c’est bien dommage, même si je sais bien que j’aurais difficilement pu faire autrement ni plus vite. Seulement, j’ai perdu tout ce bon mois d’octobre, au cours duquel le travail saisonnier ne manque pas : les vendanges dans le bordelais, le ramassage des pommes, notamment dans le limousin, le ramassage des châtaignes et des noix…

Bref, je m’en suis mal sorti cette année, puisque je suis passé au travers de toutes ces occasions de me faire un peu de monnaie et qu’en plus je me suis mangé crampe sur crampe dans mes candidatures à différents postes pour du boulot dans les régions qui m’intéressent.


Qu’il soit dit au passage que les employeurs sont vraiment d’une incorrection que je trouve symptomatique de notre fin de civilisation : pas un qui ait pris simplement la peine de me répondre négativement, ne serait-ce que par mail. Cela pèsera sur leurs karma (hé hé) !


Bref, tant pis tout ça.

Début novembre, échaudé par ces différents constats et par de vives discussions avec mes parents qui trouvent, non sans raison il faut bien le reconnaître, que ma situation est difficilement tenable à terme (pensez donc, à 32 ans, chez mes parents à la campagne… y’a de quoi les mettre mal à l’aise vis-à-vis de la famille et des proches, ce que je comprends bien), il me fallait rapidement trouver un séjour de woofing quelque part…

Ca n’a pas été facile cette fois. Beaucoup d’hôtes ne recevaient plus si tard dans la saison, et la plupart des autres étaient déjà complets jusqu’à Noël…

Finalement, le seul contact positif pour la période de novembre a été avec un centre bouddhiste tibétain… J’avais envoyé une sonde sans trop y croire mais sincèrement curieux de voir ce qu’ils proposaient en matière de woof. Après quelques échanges sympathiques et un questionnaire de motivation en anglais dûment rempli par bibi (... en français : faut pas charrier non plus), me voilà engagé à venir séjourner chez eux du 16 au 29 novembre.


Tu sais que la spiritualité m’a toujours intéressé. Même si je n’adhère à aucune religion établie, je m’intéresse à leurs histoires, leurs mythologies, leurs préceptes et pratiques… La religion bouddhiste, pour le dire clairement, a depuis longtemps mon respect, contrairement aux trois prétendues religions « révélées », mais je ne vais pas te casser les pieds à recommencer avec mes nombreux arguments critiques concernant les cultes apocalyptiques à la sauce judéo-chrétienne…


Il m’est difficile de parler de ce séjour d’un seul bloc.

D’un côté, il y a l’atmosphère à la fois puissante et sereine des lieux, que j’ai ressentie dès mon arrivée dans la vallée encaissée perdue aux confins des hautes Corbières, pays demeuré célèbre dans la mémoire collective pour avoir abrité une des principales branche de l’hérésie Cathare…

Le domaine s’étire le long des deux berges d’un torrent domestiqué avec soin aux abords des bâtiments avant d’être rendu à sa cascadante nature par la suite. Le site s’est organisé sur les bases d’un ancien moulin et de ses dépendances, qui ont été transformés dans le respect des méthodes de construction ancestrales en bâtiments d’habitation et en temple. Un seul bâtiment « neuf » a été rajouté, tout en longueur, où se trouve la cuisine collective, la salle à manger commune et les chambres et dortoirs pour accueillir les séminaristes et.. les woofers.

On peut pas dire que j’aie été dérangé par la foule de ces derniers : pour l’essentiel du séjour, le Lama étant absent, nous n’étions que 4, moi inclus, et 5 les derniers jours… De plus, étant le seul à loger dans cette partie du domaine, j’ai fait l’expérience de ce que peut être une véritable retraite au même titre que les personnes présentes en résidences. Sauf que moi, mon temple se situait à l’extérieur, dans le jardin et le potager, et mes séances de méditations ne se déroulaient pas assis ou en prosternation mais se pendant que je trimbalais des bûches ou de la terre d’un endroit à l’autre, ou pendant que je bêchais et griffais la terre et que je creusais des trous pour transplanter des rosiers et même un jeune cerisier une fois…

Les personnes, donc, étaient au nombre de 3 pendant mes 8 premiers jours. Par ordre d’ancienneté ça donnait : Lek Che, une taïwanaise d’une quarantaine d’années, responsable du centre en l’absence du Lama ; Julien, un Montpelliérain de 30 ans d’un caractère très clame et réfléchi ; Tristan, 22 ans, un ami de Julien, jeune et fougueux mais plus sage qu’il n’y parait de prime abord.

Julien et Tristan étaient en « retraite » depuis bientôt 8 mois déjà. Ils passaient des heures chaque jour dans le temple. Julien à méditer et étudier les documents sacrés conseillés par le Lama ; Tristan à effectuer des prosternations en récitant des mantras… Je le voyais en passant avec mes brouettées de terre ou de bûches, se redresser et s’incliner à genoux puis à plat ventre, inlassablement, en récitant des mantras en langue tibétaine, comme ça, pendant des heures d’affilées, avec une concentration impressionnante…

Tonia, qui est arrivée le 9è jour et avec qui j’ai pu discuter un peu plus qu’aux seuls moments des repas, m’a confié, alors qu’elle n’aurait pas dû, que Tristan était dans sa première phase d’initiation qui consistait à effectuer 111 fois 111 les prosternations dont j’ai parlé, soit 111 111 fois les gestes répétitifs accompagnés du mantra approprié… ça m’a donné à réfléchir !

Tonia, une dame d’une cinquantaine d’années convertie depuis peu au bouddhisme tibétain, restauratrice de son métier, n’était pas vraiment une retraitante mais donnait de sa personne en préparant les repas pour la collectivité. J’ai beaucoup apprécié cette femme impressionnante au premier contact, avec ses airs pas commode et son gabarit d’ogresse (aussi grande que moi !) mais dotée d’un cœur d’or et ne se plaignant jamais d’ennuis dont je ne parlerais pas ici par discrétion.

Quant à Lek Che, aussi mystérieuse que peuvent l’être les asiatiques quand elles se retranchent derrière une politesse irréprochable et des sourires omniprésents, je n’ai appris à la connaître qu’un tout petit peu par rapport à tous les autres, aussi parce qu’elle ne parlait quasiment pas le français et que donc j’ai dû retrouver mes bases d’anglais plus que rouillées pour communiquer avec elle (c’était pas beau à entendre : Damy, j’aurais ptêt besoin d’une remise à niveau.. Help !)… C’est Lek Che qui me donnait chaque jour les tâches à effectuer. Son rôle dans le centre était essentiellement de veiller à la bonne conduite des cérémonies et à la gestion du centre.

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